Charles d'Argentil

fl. 1525-1557†

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Biography

[Livret D. Fiala pour CD Ensemble Gilles Binchois, D. Vellard, Timor mortis, Requiem de Charles d'Argentil)

D’Argentil (également orthographié d’Argentille ou d’Argentilly) a depuis longtemps été reconnu par les historiens de la cour des papes comme un chantre d’origine française à la tessiture de basse employé pendant près de trente ans par la chapelle pontificale à Rome, de novembre 1528 à sa mort au début de l’année 1557. Qualifié de moine chartreux en 1556, il est alors exclu de la chapelle du fait d’une réforme administrative mais conserve son salaire en considération de son âge avancé et de ses longs services. Cet état de moine, dont on ignore à quand il remonte, pourrait expliquer l’absence d’information sur sa carrière ecclésiastique. La plupart de ses collègues, qui relevaient, eux, du clergé séculier (et non régulier), recevaient en effet, en complément de leur salaire, des bénéfices ecclésiastiques en général situés dans des églises de leurs régions d’origine, ce qui aide à reconstituer leurs parcours. Tel n’est pas le cas pour d’Argentil, dont l’origine reste inconnue. Le qualificatif « dubatz » qui suit son nom dans un unique document du Vatican a incité certains à lui attribuer une origine bretonne – à Batz-sur-mer – mais l’hypothèse demeure fragile. En dehors de son service, les archives vaticanes ne fournissent donc que peu d’éléments sur sa personnalité et son parcours. Tout au plus peut-on ajouter qu’il grava sans doute lui-même son prénom, comme nombre de ses collègues, parmi les graffiti de la cantoria de la chapelle sixtine redécouverts lors des restaurations des années 1990.

Deux manuscrits musicaux de la bibliothèque vaticane attestent sans ambiguïté de l’activité de compositeur de d’Argentil. L’un, achevé en 1543, attribue clairement deux Passions et un Requiem à « Charles d’Argentil ». Le second, peut-être un peu antérieur, ne mentionne que dans sa table l’attribution d’une Missa de Beata virgine à « Charles ». Un troisième manuscrit conservé à Rome, mais extérieur à la chapelle pontificale, contient trois canons à 6 et 8 voix de Charles, dont un accompagné de la précision qu’il a été composé en collaboration avec Costanzo Festa, un éminent collègue de d’Argentil, membre de la chapelle pontificale de 1517 à sa mort en 1545. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant qu’un traité de théorie musicale imprimé à Rome en 1533 fasse figurer le nom de « Carles » au côté de Willaert et Festa dans une liste de dix compositeurs « les plus raffinés » du temps, dont la moitié au service de la chapelle pontificale.

Si ces œuvres copiées sous le seul prénom Charles ou Carlo dans des manuscrits liés au contexte professionnel romain de d’Argentil sont sans aucun doute de sa composition, d’autres mentions de musiciens prénommés Charles dans des contextes plus éloignés n’ont pas toujours été rapprochées de sa personne. Il est toutefois de plus en plus évident que toutes renvoient bien à lui et permettent de préciser son parcours, montrant qu’il fut d’abord actif à Florence et qu’il contribua à l’essor du nouveau genre du madrigal.

D’Argentil est certainement le « Carlo d’Argentina, franciese » rémunéré parmi les douze chantres adultes du couvent de la Santissima Annunziata de Florence à partir de novembre 1525. Il faisait alors partie d’un petit groupe de musiciens étrangers employés dans la ville, dont la figure principale était le français Philippe Verdelot. Ce petit groupe est évoqué dans un dialogue fictionnel de l’homme de lettre florentin Anton Francesco Doni, qui met en scène Verdelot exprimant son envie de chanter des chansonnettes françaises avec ses collègues « Bruett, Cornelio et Charles ».

C’est manifestement dans le contexte du sac de Rome par les troupes de Charles Quint, le 6 mai 1527, puis des troubles qui chassèrent les Médicis de Florence pour trois années, que d’Argentil fut, comme Verdelot et ses amis, amené à chercher fortune ailleurs. Deux motets très élaborés copiés dans un manuscrit véronais font allusion à ces événements et au pape Clément VII, entre autres par leur nombre inhabituel de sept voix. L’un est l’œuvre de Jean Conseil, chantre français de la chapelle pontificale depuis plus dix ans. Le second, attribué à un auteur dont le nom est orthographié « Carlet » et « Charlet », doit être une des premières œuvres composées par d’Argentil en l’honneur du pape Médicis qui le recruta alors dans sa chapelle.

Dans ces mêmes années, en 1530, fut imprimé à Rome un fameux recueil qui est parfois présenté comme l’acte de naissance du nouveau genre du madrigal. Des dix-sept madrigaux de ce Libro primo de la Serena, huit sont de Verdelot et trois de « Carlo », confirmant encore la proximité entre ces deux musiciens. Seront encore imprimés au début des années 1540 à Venise sous le nom de « Charles » un autre madrigal et une Missa Quem dicunt homines. Bien qu’épisodique, l’activité de Charles comme compositeur de madrigaux est encore attestée par une lettre d’un secrétaire d’un cardinal romain, qui relate la composition collective en 1542 d’un madrigal en cinq strophes, partagée entre cinq compositeurs alors présents à Rome : Festa, Charles, deux figures mineures et Jacques Arcadelt, nouvel arrivé à la chapelle pontificale et grand artisan des débuts du madrigal dans la foulée de Verdelot.

D’Argentil est donc au total l’auteur de trois messes dont une de Requiem, deux Passions, un motet, quatre madrigaux et trois canons (auquel on peut peut-être encore ajouter, mais sans certitude, un psaume en français imprimé à Paris en 1553 sous le seul nom de « Charles »). Cette production limitée en quantité mais variée, novatrice et d’excellente facture, ainsi que sa longue carrière au cœur d’une des plus prestigieuses institutions musicales de son temps, situent d’Argentil au centre de la Renaissance. Probablement né vers 1500 ou un peu avant, à l’époque de la mort d’Okeghem et de l’apogée de la carrière de Josquin, il fut au cœur des réseaux de musiciens français en Italie de la fin des années 1520 aux années 1540 et vécut assez pour être témoin des débuts de Palestrina à la chapelle pontificale. Le fait qu’il soit régulièrement désigné par son seul prénom indique sans doute que, sans pour autant atteindre la célébrité des Josquin (Des Prez), Claudin (de Sermisy), Adrian (Willaert) ou Orlande (de Lassus), ce Charles fut une figure familière des milieux musicaux de son temps.

On peut en tout cas considérer que son Requiem marque un jalon dans l’établissement des Requiem en musique dans les cérémonies pontificales. Son collègue déjà cité, Jean Conseil, mort à Rome en 1534, avait déjà composé un Requiem, très probablement pour la chapelle pontificale, mais sa partition n’est pas parvenue jusqu’à nous. Celui de d’Argentil est donc le plus ancien conservé, point de départ d’une tradition que poursuivirent ses collègues Cristobal de Morales (Requiem à cinq voix imprimé à Rome en 1544), Palestrina, Victoria, etc.


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Information

  • Roles

    Bassus
    Member of a court chapel (musician)
    Monastic Order
    Priest
    Singer

  • Gender

    Male

Events

(YYYY-MM-DD)

3 in Ricercar database

Musical position

Singer
1525-11/1527
Firenze (Italy)


Institution: La Santissima Annunziata di Firenze, Firenze (Italy)

Comments: Carlo d'Argentina dans les listes de chanteurs (D'Accone1961)

Musical position

Member of a court chapel (musician)
1528-11/1556
Roma (Italy)


Institution: Capella Sistina, Roma (Italy)

Death

1557-03-19
Roma (Italy)

Variant names

Carlet ; Carlo ; Carolus ; Charlet ; dargentil ; dargentille ; D'argentille ; D'argentilly ; dargentina ; D'argentina ; Dubatz

Familial connections

No familial connection.

Bibliography

No bibliography.

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Charles d'Argentil, in RicercarDataLab [http://preprod-ricercar.cesr.univ-tours.fr/people/1328/] (accessed 20 September 2024).

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Dernière modification : 10 mai 2024 21:24